UN ETUDIANT BLESSE PAR UNE GRENADE

Publié le 14 Mai 2018

Un étudiant a été hospitalisé et deux policiers ont été blessés par l’explosion d’une grenade pendant l’évacuation de l’université de Toulouse. D’abord, nous déplorons l’absence totale de dialogue avec ce gouvernement qui s’obstine à recourir à la force face à une population pacifique. Nous condamnons ensuite l’usage d’armes de guerre contre des civils (grenade, gaz, LBD, etc.), dans les quartiers, dans les manifestations, sur les ZAD (des milliers de grenades et balles de défense ont été lancées à Notre dame des Landes blessant de nombreuses personnes). Au minimum, la réglementation de l’usage devrait être respectée (situation de menace, lancé au sol ou en cloche etc.). En vérité, ces armes devraient être interdites (en attendant la fin du capitalisme et la dissolution de la police qui le protège). A Toulouse, l’étudiant a été insulté et tabassé par la police avant que la grenade n’explose. Toutes les conditions étaient et sont encore réunies pour que des gens soient mutilés ou tués. Il y a visiblement une volonté de la part du gouvernement de terroriser, pour dissuader de militer et pour affaiblir les mouvements. Il doit assumer les conséquences, même si elles ne correspondent pas à ses attentes : défiance à l’égard de la police et durcissement du rapport de force. Le gouvernement n’est pas assez naïf pour croire au prétexte de faire régner l’ordre. Il crée le désordre, la division, l’affaiblissement social, pour que le terrain soit plus propice au réforme libérales.

 

LA BATAILLE DE NOTRE DAME DES LANDES

Publié le 13 Mai 2018

Le gouvernement oppose état de droit et zone de non droit. Mais en Syrie, par exemple, il bombarde sans déclaration de guerre ni accord de l’ONU. A Notre Dame des Landes, les avis d’expulsion et les procédures ont été contestés. Le cadre est resté flou concernant les destructions, notamment celle de la ferme des 100 Noms. Le droit ne fait qu’encadrer des pratiques dictées par les intérêts. Le droit bourgeois légitime la violence d’état. Nous lui opposons les droits humains de celles et ceux qui luttent pour leur habitation et leur avenir contre l’appropriation capitaliste. Le gouvernement oppose les terres étatiques au squat illégal. Mais de quel état parlons-nous ? Celui de la multinationale LREM ou celui qui gère le bien public. Dans ce dernier cas, nous, les sujets de cet état, sommes aussi les propriétaires de cette terre. C’est nous d’ailleurs qui finançons aussi l’envoie de la police pour polluer, détruire les sols et briser les corps.

A NDL, le gouvernement lance une offensive puis entame une pseudo-concertation sous la menace. La même méthode est utilisée à peu près partout : déploiement de force, bombardements, gazage, dépenses sécuritaires immodérées, pour montrer ses petits muscles. Attitude dangereuse, coûteuse et immature. Que cherche le gouvernement ? L’aéroport ne sera pas construit et il n’y a pas de projet. L’évacuation n’obéit qu’à un objectif idéologique et politique, dans un plan de séduction de la droite.

Sur le principe, le modèle collectif et alternatif de la Zone A Défendre irrite le gouvernement libéral. Car il faut articuler la question de NDL à celle du monde agricole en pleine souffrance. NDL représente une bouffée d’air pour le métier d’agricultrice et agriculteur, sans lequel aucun autre n’existerait. Le contrôle de nos vies, de nos ressources, peut être repris, sans parasitage commercial et politique. Est suspecte, aux yeux du gouvernement, l’initiative populaire qui s’est forgée hors contrôle technocratique et qui pourrait inspirer d’autres. On préfère criminaliser, parler de marginaux et de violents, plutôt que de personnes qui défendent leur vie et la nôtre. Pour le pouvoir, les occupants de la ZAD sont des voyous. Pour nous, et bien des occupant-e-s de la ZAD, le pouvoir est un pouvoir mafieux.

Le gouvernement néolibéral n’entrevoit pas d’alternative au capitalisme, à l’exploitation des travailleuses et travailleurs isolé-e-s. Son aveuglement maintient la violence. Car en acceptant la moindre forme de vie révolutionnaire, il fragiliserait sa forteresse.  La bataille de NDL montre comme le capitalisme crée le désordre et la désolation pour se perpétuer. Il étouffe, gaz, pollue, matraque et bombarde. La bourgeoisie veut pérenniser le modèle de la propriété exploitante. Elle ne reconnaît pas l’usage. Là où il n’y a pas de marchandise pour elle, il n’y a pas de droit.

Les opposants à la ZAD de NDL, dans la société civile, manifestent leur aliénation et leur jalousie, comme lorsqu’ ils dénoncent les acquis sociaux  des chemineaux. Esclaves dans leur tête, quand elles et ils voient un espace de liberté qu’ils n’ont pas, ils veulent le détruire, au lieu de le protéger, comme un modèle à revendiquer pour eux. Ils veulent être égaux dans l’exploitation. Ils confondent les privilèges de la bourgeoisie avec les acquis de la lutte. Les vrais assistés sont parmi les classes favorisées enrichies par le travail des pauvres, pas celles et ceux qui parviennent à se prémunir un peu contre l’exploitation. A NDL, les gens luttent par leur valeur d’usage, la possession issue de la lutte et du travail, contre l’appropriation pour la valeur marchande.

Le problème de la ZAD est celui de la commune face à l’empire. Ce dernier a horreur du vide. Le capitalisme ne laissera d’enclave communale que s’il  peut l’exploiter. Et celle-ci ne peut se conserver qu’en cherchant à s’étendre ou essaimer contre ce qui la menace. En termes d’environnement, les communes rurales sont des gouttes d’eau minérale dans un océan de pollution. Pourtant c’est par leur multiplication que la terre peut être sauvée du saccage capitaliste.

R.

 

LE BLOC DU 1ER MAI

Publié le 12 Mai 2018

Nous ne cautionnons pas particulièrement ni ne condamnons les dégradations du premier mai à Paris. Nous refusons cette alternative et ce débat aussi vieux que l’activisme. Quant à la question Ça sert à quoi ?, elle peut être posée pour tout : émeute, élection, référendum, manif, grève, sabotage, tract, journaux. Aucune pratique ne se suffit à elle-même. Tout dépend des combinaisons, des situations et du hasard aussi. C’est une question stratégique et non scientifique. Le black bloc n’est pas une organisation mais une méthode employée par des gens qui s’organisent pour ne pas subir la répression.

Le black bloc nuit à la cause, dit-on. Mais la cause ne se nuit-elle pas déjà à elle-même ? Les manifestations familiales n’inquiètent pas le gouvernement, à moins qu’elles atteignent une dimension considérable. Elles fournissent en tout cas au gouvernement une caution démocratique, à la différence du black bloc qui révèle la répression.

Les puissants s’imaginent le peuple globalement outré par les dégradations. Mais la réaction est plus mitigée. De nombreuses personnes en ont assez de la violence policière et aussi économique et n’éprouvent pas de colère quand les vitres des banques se brisent. Peut-être même ressentent-elles un sentiment de revanche.

Le pouvoir est friand de divisions, comme manifestant vs casseur ou réfugié vs migrant, pour séparer le Bien du Mal. Nous lui renvoyons cette distinction : la violence et la force. Plutôt que d’opposer les forces de l’ordre aux violences des casseurs, nous appelons violence gouvernementale le bombardement, le tabassage, le gazage, l’arrestation, l’emprisonnement. La force populaire elle repose sur les techniques d’anonymat, de sabotage, de saccage, d’occupation etc. On veut faire passer pour de la violence gratuite la destruction des symboles capitalistes ou étatiques. Il y a évidemment des casseurs qui se plantent de cible comme il y a des gentils flics qui sauvent des bébés. Mais le problème n’est pas là. Ce qui importe c’est l’objectif qui structure l’action. Il s’agit de maintenir les privilèges d’un côté, de les contester de l’autre.

On ne fait pas de la politique en cassant, nous dit-on. Mais les vandales d’un jour ne passent pas leur temps à casser. En plus, ces donneurs et donneuses de leçon oublient que leur fameuse République s’est elle-même construite dans le rapport de force : Révolution française, Résistance contre Vichy, Mai 68 etc. Faire de la politique ne signifie pas uniquement parler dans un micro perché sur un camion.

Les casseurs n’ont pas de projet, dit-on. Mais personne, encore une fois, n’est uniquement casseur. L’émeute de toute façon n’est pas un projet mais une tactique, pas une fin mais un moyen. Aucune tactique n’assure un succès certain. Oui elle sert aussi la propagande d’état et la répression. Oui, elle est coûteuse et dangereuse. Mais elle peut accélérer les processus, donner de la visibilité, faire pression sur le pouvoir, susciter des vocations etc., quand elle n’exprime pas tout simplement la colère. Elle fait partie de ces choses incontrôlables dans les soubresauts de l’histoire.

On s’étonne de voir le bloc plus nombreux chaque année. Mais la violence du système, l’absence de perspective, l’esthétique et la mode insurrectionnaliste aussi, tout cela attise un courant spontanéiste. La vie c’est maintenant ! Prenons là, n’attendons plus la fin de la dette, de la crise, de l’austérité. Il ne faut ni sous-estimer ni idéaliser ce potentiel.

Concernant l’infiltration par la police ou l’extrême droite du bloc, il est difficile de séparer la réalité et la fiction. Ce qui est certain est que chacun tente de tirer la couverture à soi en fonction de ses intérêts. Le principal est le point de vue des concernés. Il s’agit de détruire des symboles de l’état ou du capitalisme ou de les dégrader. Pour les déçus du suffrage, du syndicalisme, de l’organisation et de la légalité, c’est une alternative à la résignation.

La casse est perçue comme un gâchis des impôts. Mais ça ne représente qu’une fraction infime, comparé à l’évasion ou la fraude fiscale, l’armement, les dépenses somptuaires ou bureaucratiques. C’est du même ordre que de dénoncer le coût des chômeurs ou des migrants. Cela repose sur une vision biaisée des mécanismes économiques et, avant tout, répond à la volonté de trouver des boucs émissaires, parmi les plus vulnérables, pour protéger les vrais exploiteurs. Enfin, comme avec les grèves et le sabotage, on sacrifie un peu de richesse sur le court terme pour des enjeux bien plus importants. Une vitre se remplace plus facilement qu’une loi.

R.

 

 

RELIGION D’ETAT (8/5/18)

Publié le 10 Mai 2018

                L’enquête judiciaire sur la pendaison simulée de Macron en manifestation, comme les condamnations contre l’offense du drapeau et la marseillaise, l’outrage au policier ou au magistrat montrent, d’une part, le caractère religieux de l’état et l’existence d’une inquisition et, d’autre part, le lien du sacré avec l’exploitation. S’attaquer aux symboles, c’est s’attaquer aux entraves idéologiques. Une fois ridiculisé le pouvoir, il n’y a plus lieu de lui obéir mais au contraire de la combattre. Quand des enfants de maternelle chambrent Macron, qui se fait filmer en train de visiter une école, c’est une réaction contre l’imposture de l’inégalité. Ils semblent dire : Certes tu nous domines mille fois comme adulte et comme chef de la nation, mais le fondement de la domination est une farce. Tu n’es qu’une patate, comme n’importe quel être humain, une patate qui germe et qui flétrit.

AG INTERSYDICALE DES CHEMINAUX (9/5/18)

Publié le 10 Mai 2018

Différents syndicats ont pris la parole en face de la gare de Nantes et ont voté un jour de grève le 14 mai. Ils dénoncent l’obstination du gouvernement, la réforme de la SNCF (qui accuse à tort les employé-e-s d’être à l’origine de la dette), la précarisation des statuts, la destruction de la convention collective, la privatisation du service public. Plus globalement, c’est l’attitude autoritaire du gouvernement et la destruction des acquis sociaux qui sont dénoncés, tout comme pour les étudiant-e-s, les salarié-e-s, les chômeurs et chômeuses, les retraité-e-s ainsi que les réfugié-e-s. Face à cette offensive massive néolibérale la riposte doit se renforcer. Face à la précarisation et la répression il faut un vaste mouvement d’autodéfense  populaire et que cette lutte s’étende dans l’espace, le temps et ses objectifs. C’est tout cet ancien monde d’exploitation qui doit s’effondrer. La prise de parole a été suivie d’une action de blocage des voies. L’action fut brève mais a suffi à attirer l’attention des médias.

PROCES D’UNE ETUDIANTE (9/5/18)

Publié le 10 Mai 2018

A la Maison de la Justice et des Droits de Nantes a eu lieu le procès d’une étudiante interpellée violemment le 3 mai par la Brigade Anti Criminalité à une terrasse d’un café. Ils l’accusent d’avoir eu un comportement insultant, durant la manif contre la sélection à l’université, ce qu’elle conteste.  Au commissariat, elle signe, sous la pression, un document qui déforme ses propos. Le 9 mai, une cinquantaine de personnes, étudiant-e-s, syndicats, organisations, attendent devant la Maison de la Justice la fin de l’audience, avec des panneaux dénonçant le caractère raciste de l’arrestation. L’étudiante est condamnée pour outrage,  avec une mention dans le casier judiciaire, et doit verser 225 E (150 pour les frais d’avocat, l’aide juridictionnelle étant refusée, 50 E de frais de justice, 25 E pour le policier qui en réclamait 150).  .

                Nous dénonçons l’attitude de la police, en particulier de la BAC ; la chasse aux dommages et intérêt pour arrondir les fins de mois, avec des arrestations violentes et arbitraires ; la façon dont la police crée le désordre et la violence et déforme la réalité devant la justice ; le ciblage de la victime en fonction de sa couleur de peau. Nous nous félicitons de la solidarité et de la réactivité des organisations et des individus. Nous déplorons la violence physique et psychologique dont a été victime la personne arrêtée, mais nous rappelons que plus la répression s’abat plus la contestation se structure.

PERMANENCE FA NANTES

Publié le 6 Mai 2018


Le groupe Joseph Déjacque, de la Fédération Anarchiste de Nantes, tiendra sa permanence de mai mardi 8 à 18h, à B17, 17 rue Paul Bellamy (au fond de la cour à gauche au dessus de l'atelier).
groupedejacque@riseup.net
https://www.facebook.com/jdejacque/
http://fa-nantes.over-blog.com/

Contacts

Publié le 17 Février 2018

Ce blog est consacré à l'archivage des productions du groupe :
http://fa-nantes.over-blog.com/


Mais vous pouvez suivre quotidiennement notre veille et nous contacter ici :
https://www.facebook.com/jdejacque/


Vous pouvez également nous joindre à cette adresse :
groupedejacque@riseup.net

Plus personne à la rue

Publié le 27 Janvier 2018

Entre 800 et 1000 personnes ont défilé dans les rues de Nantes sous très très haute surveillance policière à l'appel d'une soixantaine d'assos pour dénoncer la politique nantaise et nationale à l'égard des sans-abris. A Nantes, entre 2000 et 3000 personnes vivent dans les rues, dans les squats ou les bidonvilles. Les hébergements d'urgence sont quasi inexistants. La répression elle est bien là, avec des expulsions répétées depuis des années de squats et bidonvilles, avec ce que cela entraîne de souffrance physique et psychiques (fausse couche, stress, déscolarisation, maladie, décès), chez les enfants, les femmes, les hommes, les vieillards et les malades à la rue. Les associations, qui se substituent bénévolement au service public, lorsque ses membres ne sont pas réprimé.es, sont débordées. Le durcissement des lois et la chasse aux étranger.es orchestrés par l'état augmente la clandestinité et la précarité.

Cette situation, entend-on dire dans la manifestation, n'est pas normale. Mais si l'on réfléchit aux raisons d'une telle situation, c'est relativement normal. Certes la bêtise, l'ignorance, la lâcheté, l'ambition et la démagogie des élu.es jouent un rôle important. Mais il serait minime si l'état ne se préoccupait pas uniquement des classes moyennes et aisées. Les pauvres ell.eux sont exploité.es. Quant aux laissé.es pour compte les moins rentables, il.les sont simplement soumis.es à une extermination lente et invisible sous les bombes, aux frontières, dans les prisons, les squats et les bidonvilles. La guerre aux pauvres à l'intérieur utilise les arguments économiques : pas assez de place et d'argent, pour masquer l'idéologie inégalitaire qui l’inspire. Dans leurs guerres extérieures, les états maquillent au contraire leurs intérêts économiques sous l'argument idéologique de la défense de la démocratie. Nous ne voulons plus de cette soi-disant démocratie qui pille et piétine les pauvres qu’elle produit ailleurs comme ici.

R. du Groupe Déjacque

groupedejacque@riseup.net

https://www.facebook.com/jdejacque/

POUR UNE DECROISSANCE LIBERTAIRE

Publié le 21 Janvier 2018

Le vendredi 10 mars 2017  à B17 à Nantes, le groupe Déjacque de la Fédération Anarchiste a organisé une rencontre avec JP Tertrais, auteur de Jusque là tout va bien, pour une décroissance libertaire. Il a été question d’un état des lieux sur les questions environnementales (pollution, climat, déforestation, technologies, démographie, etc.) et sociales (mobilité, cadence, accélération, etc.). Nous avons parlé ensemble, entre autres, des solutions proposées par la décroissance libertaire par rapport à d’autres courants, du rapport entre environnement et luttes sociales et des précurseurs (Reclus, Kropotkine, Bookchin). Voici un résumé de l’ intervention fourni par l’auteur.

Une dynamique complètement folle qui nous submerge

Pendant très longtemps, les sociétés ont été relativement stables, ou du moins leur extension n’a pas été significative. La croissance économique en tant que telle existe depuis seulement un peu plus de deux siècles dans les pays occidentaux. Cette croissance se réalise selon trois étapes fondamentales :

° sa naissance en Europe avec la révolution industrielle et la colonisation, c’est-à-dire la domestication de l’énergie et l’utilisation accrue des matières premières, soit par la force musculaire des esclaves, soit par le rationalisme scientifique, la machine à vapeur.

° une première accélération aux Etats-Unis, au début du 20e siècle, avec le taylorisme, l’organisation scientifique du travail, et le fordisme, la production et la consommation de masse.

° une deuxième accélération, après le seconde guerre mondiale, avec le plan Marshall de reconstruction de l’Europe en juin 1947, et une prétendue « aide au développement » en faveur des pays pauvres.

 

Plusieurs remarques s’imposent au préalable :

° la croissance économique n’est pas du tout un phénomène naturel, comme certains essaient de le faire croire, mais une exception historique (et qui aura même été de courte durée par rapport à la longue expérience de l’humanité).

° la production n’est plus censée répondre à la demande comme dans le sociétés traditionnelles ; elle la stimule par des besoins artificiels. Elle devient une fin en soi. C’est ce que certains appellent la filière inversée.

 

Cette croissance s’appuie sur deux facteurs qui s’auto-entretiennent : un essor démographique sans précédent dans l’Histoire et une accélération permanente du cycle production-consommation.

 

Le facteur démographique : la population mondiale connaît une très faible croissance durant des milliers d’années. Ce n’est qu’à partir du 19e siècle, avec les progrès économiques et sanitaires, que le processus s’accélère de manière vertigineuse : de un milliard peu après 1800 à plus de 7 milliards aujourd’hui.

 

Le cycle production-consommation : la recherche effrénée du profit a construit, non pas le rêve, mais le délire américain, illustré par les propos de Victor Lebow, spécialiste américain du marketing : « Notre économie remarquablement productive veut que nous fassions de la consommation notre mode de vie, que nous transformions l’achat et l’utilisation de biens et services en rituels. Il nous faut consommer, user, remplacer et rejeter à un rythme toujours croissant ». Plusieurs outils seront mis au point pour instaurer cette société de consommation (publicité, crédit, usure programmée des biens…). Tout a été aussi mis en œuvre pour contrer les résistances : nier l’évidence, tranquilliser à tout prix, minimiser les risques, masquer les périls, voiler les avertissements.

 

Le résultat, c’est que de nombreux paramètres de nos sociétés et de notre impact sur la planète adoptent aujourd’hui une allure exponentielle, c’est-à-dire dont la représentration graphique constitue une courbe s’élevant « jusqu’au ciel », c’est-à-dire encore des chiffres dont la grandeur défie l’intuition. Pour cette raison, la « mégamachine » (L Mumford) est confrontée aujourd’hui à une barrière externe, l’épuisement des ressources, l’ébranlement des bases naturelles. Et donc, parallèlement, à l’augmentation du coût de la restauration des fonctions environnementales, de la biodiversité, des « services écologiques » que rendait la nature.

 

Il s’agit bien dune dynamique folle, aveugle, irréversible, autodestructrice, d’un système qui sape quotidiennement ses propres fondements, qui consume tous les liens sociaux et toutes les ressources naturelles pour seulement se perpétuer. Le capitalisme ne peut s’auto-limiter : il faut croître ou disparaître. Un capitalisme qui se caractérise par la double exploitation de l’homme et de la nature. Ce qui a jusqu’à présent décuplé sa force accroît désormais sa vulnérabilité. D’un côté, la surexploitation, et donc la fragilisation, des écosystèmes, les pollutions multiples, l’épuisement des éléments naturels, l’instabilité du climat ; de l’autre, des salariés dont on exige qu’ils mobilisent toutes les ressources nécessaires – physiques, intellectuelles, affectives – à l’augmentation du chiffre d’affaires, un recyclage permanent du « capital humain ».

 

« L’humanité, notre propre espèce, est devenue si abondante et active qu’elle rivalise désormais avec les grandes forces de la Nature en termes d’impact sur le fonctionnement du système Terre », écrivait Jacques Grinevald, philosophe et historien, traducteur de Nicholas Georgescu-Roegen, le « père » de la décroissance.

 

Un état des lieux de la planète

Le symptôme le plus significatif de la dévastation capitaliste est sans doute l’état de la biosphère (ensemble de l’espace où la vie est possible). On ne peut estimer de manière pertinente le degré de gravité de la situation qu’avec un minimum de données fiables. Chacun des domaines abordés pourrait faire l’objet d’un débat spécifique ; on se limitera à deux ou trois lignes.

° La déforestation. Selon la FAO, le déficit réel des terres boisées pour la période 1990-2010, est de l’ordre de 53 000 km2 par an (l’équivalent de deux fois la France en vingt ans). Sans oublier que le plus grave n’est pas le recul des forêts en surface, mais la dégradation de leur fonction écologique.

° L’érosion de la biodiversité. L’humanité a plus profondément et plus rapidement modifié les écosystèmes depuis les cinquante dernières années que depuis toute son histoire. C’est le bien-être de l’homme qui est menacé, et peut-être bientôt sa survie. C’est ce qu’auraient dû comprendre les écolo-sceptiques soit-disant humanistes.

° La disponibilité réduite de l’eau douce. Au rythme actuel de la croissance démographique et de l’évolution de la consommation, la population vivant sous le seuil de rareté absolue (soit 500 m3 par habitant et par an) approcherait 1,8 milliard.

° L’accumulation des déchets. Juste un chiffre : en 2020, les villes chinoises produiront annuellement 400 millions de tonnes de déchets, soit la quantité rejetée par la planète entière en 1997.

° Les perturbations climatiques. Selon Norman Myers du Green College d’Oxford, à l’horizon 2050, deux cents millions de personnes pourraient être chassées de chez elles par le dégel des terres, la montée des mers ou l’avancée des déserts.

° L’épuisement progressif des matières premières. 27 matières premières minérales ont été qualifiées de « critiques » (cuivre, phosphore, hélium, uranium, zinc, argent, tritium…). L’inquiétude réside principalement dans le risque de pertes d’emplois et de conflits sociaux, de graves pénuries dans plusieurs filières, et l’avenir compromis de certaines nouvelles technologies.

° La question nucléaire. Les raisons du refus de cette filière sont nombreuses : atteintes graves à la santé, multiples incidents, insécurité,  gestion des déchets reportées sur les générations futures,  pseudo-indépendance énergétique, société policière, voire militarisée induite par la centralisation nécessaire, coût réel élevé…

 

L’empreinte écologique.

L’ensemble de tous ces impacts sur les différents milieux peut se concrétiser, se synthétiser, de manière globale, par la notion d’empreinte écologique, outil qui mesure la pression qu’exerce l’hommre sur la nature. Cet outil estime que nous dépasserions d’ores et déjà de 30 à 40 % (pour être prudent) les capacités de régénération de la planète. Non seulement nous puisons dans les revenus, mais nous dilapidons le capital. Si tous les habitants de la planète voulaient adopter notre mode de vie, les ressources mondiales n’y suffiraient pas. Le mode de vie « occidental » n’est pas généralisable à l’ensemble de la planète. Compte tenu des tendances lourdes de notre économie de prédation, il le sera encore moins pour les générations futures. L’humanité vit au-dessus de ses moyens ; il faut impérativement décroître.

 

Le problème de l’énergie.

Quand on sait que sa consommation a été multipliée par dix au cours du 20e siècle, on comprend que l’énergie constitue le pilier principal des sociétés modernes. Dans Le choix du feu, Alain Gras, socio-anthropologue des techniques, rappelle que, durant des millénaires, les énergies naturelles ont imposé des limites ; le recours à l’énergie fossile va débloquer ce verrouillage. La Révolution industrielle marque donc un point de rupture : la capacité à transformer l’environnement augmente de façon extrêmement brutale. Nous passons d’une société fondée sur la demande à une autre, fondée sur l’offre, avec l’illusion que l’homme peut s’affranchir des lois naturelles. Avec les énergies fossiles, tout semble désormais possible, ce qui annonce la société du toujours plus, de l’excès, de la démesure.

 

Or ce déni de la réalité, cette ignorance délibérée des limites conduit à une impasse. Le bilan, au plan énergétique, peut en effet se décliner selon plusieurs critères qui n’incitent guère à l’optimisme (là encore, chacun de ces critères pourrait faire l’objet d’un débat spécifique) :

° Les sociétés modernes sont totalement dépendantes des ressources énergétiques fossiles.

° La demande continue à croître (augmentation de la population mondiale, croissance économique des pays « émergents »).

° Les énergies fossiles s’épuisent inexorablement (le pic mondial de la production pétrolière « conventionnelle » a été atteint entre 2004 et 2008).

° Aucune alternative ne peut remplacer intégralement le pétrole.

° La filière nucléaire est en perte de vitesse (la part du nucléaire dans l’électricité mondiale passe de 17 % en 2005 à 9 % aujourd’hui, et les difficultés d’Areva, d’EDF et de quelques autres vont précipiter la chute).

° Les énergies renouvelables ne suffiront pas à couvrir les besoins (l’ensemble de ces énergies ne représentent actuellement que 14 % de l’énergie primaire totale consommée dans le monde, et 6,4 % dans l’Union européenne).

 

En résumé, compte tenu du déclin prochain des énergies fossiles et du nucléaire, de la difficulté à mettre en œuvre les énergies renouvelables à une échelle significative et de la demande croissante, nous nous dirigeons vers un « choc énergétique », et non vers une transition en douceur comme tentent de le faire croire les classes politiques, tous bords confondus.

 

Une autre conséquence de cette dynamique destructrice est la menace qui pèse sur la capacité à nourrir l’humanité dans un avenir proche. La FAO elle-même reconnaît près de 900 millions d’affamés dans le monde, chiffre auquel il faut ajouter un milliard deux cents millions de personnes souffrant de carences alimentaires graves. Si l’on peut considérer que ce problème est aujourd’hui un problème de distribution, d’accès à la nourriture, c’est-à-dire strictement politique, l’avenir pourrait être plus sombre.

 

La production alimentaire dépend en effet de nombreux facteurs. Quelques-uns pourront évoluer favorablement : la mise en culture de nouvelles terres, la lutte contre le gaspillage alimentaire, le développement de l’agro-écologie. Il est très peu probable que ces facteurs favorables parviennent à compenser ceux qui contribueront à réduire la production alimentaire :

° La diminution des surfaces des terres agricoles : la France perd, avec l’urbanisation, les infrastructures de transport, les chantiers, les carrières, l’équivalent d’un département tous les sept ans. Il faut y ajouter les surfaces consacrées aux agrocarburants et la submersion de certaines terres.

° La diminution des rendements : détérioration des sols, problème de l’eau, disparition des insectes pollinisateurs, perturbations climatiques, alimentation carnée, épuisement des « ressources halieutiques ».

La fin prochaine du pétrole bon marché sans lequel il n’y a ni mécanisation, ni engrais chimiques, ni pesticides, constitue une autre variable de taille.

 

La situation actuelle est donc plutôt préoccupante. Aucun scenario n’est écrit à l’avance, mais il est certain qu’on ne peut pas poursuivre dans cette voie. Le futur ne sera pas le prolongement des courbes du passé ; il sera fait de ruptures. La question essentielle est donc la suivante : quel type d’organisation sociale permettra de rendre harmonieux les rapports entre l’être humain et la nature ? Quels moyens politiques, sociaux, économiques ? Parce qu’on ne peut pas opposer le social et l’écologique : la sur-pêche inconsidérée, c’est à terme la mort du pêcheur.

 

La première condition est de sortir du capitalisme parce que ce système a besoin d’une croissance continue pour se perpétuer. Or une croissance économique illimitée dans un monde limité est rigoureusement impossible (et la croissance verte ou l’économie circulaire ne sont que de dangereux mythes). Ce système capitaliste s’est lui-même placé devant un choix difficile : ou il cherche à relancer la croissance (ce qui est d’ailleurs voué à l’échec) et il saccage irrémédiablement la planète ; ou il tente de préserver ce qui peut l’être des écosystèmes, et il torpille l’économie. La mauvaise santé du système, c’est-à-dire son effondrement partiel, pourra servir de point d’appui ; mais ce sera insuffisant.

 

La deuxième condition est la destruction de l’Etat parce que les intérêts dudit Etat et du capitalisme convergent . C’est l’Etat qui, par la loi, a légitimé la propriété privée, et qui la protège.

C’est l’Etat qui a permis la puissance des multinationales (subventions, allègements fiscaux, crédits de formation et de recherche, infrastructures, brevets, externalisation de nombreux coûts – dont la pollution, prise en charge de pertes financières, interventions policières lors de conflits entre employeurs et salariés…).

C’est la dimension même des travaux commandés par les Etats qui a conforté la taille des entreprises : infrastructures gigantesques, autoroutes, TGV, aéroports internationaux, terminaux portuaires, mégalopoles, barrages immenses, centrales, super-pétroliers, complexe militaro-industriel…

C’est l’Etat qui vient en aide aux banques en difficulté et au secteur automobile en sortie de route, tout en bradant le service public et la protection sociale.

 

La troisième condition est de stabiliser le plus rapidement possible la population mondiale, avant de la faire décroître, parce que l’arrivée chaque année d’environ 50 millions d’individus nouveaux porte atteinte aux ressources naturelles et aux écosystèmes, et anéantit les efforts consentis par une partie des populations pour tendre vers un mode de vie plus frugal.

 

La quatrième condition est de sortir du productivisme qui pourrait tenter même des partisans d’une société égalitaire et libertaire si, par productivisme, on entend l’accroissement systématique de la production pour satisfaire des besoins sans intégrer les contraintes écologiques. Or le moteur principal du productivisme est l’accélération du progrès technique. Sortir du productivisme, c’est donc parallèlement redéfinir le rapport de l’homme à la technique, l’utilité sociale et la finalité de la production, le sens du travail.

 

Ce que l’Histoire officielle ne dit pas, c’est que de nombreux travailleurs, artisans, paysans ont dénoncé les effets des nouvelles machines sur leur travail et leur mode de vie, les dangers, les risques, les nuisances pour un « confort » souvent illusoire acquis au prix de la dignité, de la liberté. Les différents pouvoirs ont tout utilisé pour faire taire les contestations, éteindre les controverses, pour imposer aux catégories dominées une société technologique, annonçant la société de production et de consommation de masse.

 

Mais le refoulé resurgit toujours. On commence seulement à mesurer les conséquences dans tous les domaines de l’asservissement aux machines et aux contraintes de l’industrie. Le schéma était trop simple : progrès de la science, puis progrès technologique et industriel, enfin progrès social et moral. Le mythe d’un vaste consensus autour du projet de fabriquer un monde meilleur par la technologie s’effondre.

 

Il nous appartient de concevoir des machines pour en faire des instruments servant nos propres fins (techniques intermédiaires, à basse consommation….) dont le fonctionnement soit aisément appropriable par tous dans le but d’une maîtrise collective de l’appareil de production. 

 

Alors, la grande question, c’est comment passer d’une société mortifère à une société désirable ?

Pendant longtemps, considérant que l’entreprise était le seul lieu de pouvoir, la forme de lutte évidente a été le syndicalisme, qui prônait la grève générale en vue d’une révolution sociale supprimant la propriété privée des moyens de production.

 

Si cet objectif de société sans classes n’a pas disparu pour tout le monde, au cours du 20e siècle, la société a profondément changé : évolution des classes sociales, influence de la publicité, du marketing, des grands médias, fascination exercée par la technique, « embourgeoisement » par l’élévation du niveau de vie, dérive du syndicalisme vers la bureaucratie, le corporatisme, l’accompagnement des contre-réformes du capitalisme.

 

Depuis deux ou trois décennies, alors que le syndicalisme ne rassemble plus qu’environ 7 % des salariés, d’autres formes de luttes apparaissent, des résistances, des engagements plus locaux, sur des objectifs immédiats, proches, visibles, mais plus limités.

 

Aujourd’hui, les lieux de pouvoir sont multiples, l’entreprise n’en est qu’un parmi d’autres. C’est précisément parce que le capitalisme doit être attaqué en tant que système que la lutte doit être globale, regrouper toutes les sensibilités, les perceptions, les approches.

 

Syndicalisme, désobéissance civile (occupations, séquestrations, sabotage), opposition aux grands projets inutiles et imposés qui ne répondent en rien aux besoins vitaux des populations, c’est-à-dire contre l’aménagement capitaliste du territoire (TGV, lignes THT, centrales nucléaires, aéroports internationaux, sites miniers, projets immobiliers…), alternatives en actes (coopératives, AMAP, SEL, structures associatives autogérées,  habitat en propriété partagée…), éducation populaire dans l’esprit des anciennes Bourses du travail (auto-formations, conférences…), luttes paysannes (contre les OGM, la brevetabilité du vivant).

 

Toutes ces luttes constituent autant de laboratoires où s’exercent l’appropriation de la parole,  l’apprentissage de la démocratie directe, des relations horizontales, des prises de décision sans délégation, le partage des expériences. La palette des luttes possibles est suffisamment large pour que chacun puisse trouver sa place en fonction de ses motivations, de ses centres d’intérêts, de ses compétences, de sa disponibilité. Dans une société dont l’avenir est très mal engagé, le pire serait, de toutes façons, de ne rien faire.

Afficher plus d'articles