Le Monde Sécuritaire - Novembre 2017

Publié le 3 Novembre 2017

« Depuis des siècles des étrangers traversent Nantes, contribuent à l'histoire de la ville, et viennent parfois s'y installer » nous dit la brochure sur papier glacé de la Ville de Nantes de son exposition Regards de migrants à la bibliothèque. Nous soulignons le mot « parfois » ! 250 personnes viennent d'être expulsées sur ordre de la préfète de trois bidonvilles, dont des bébés, des femmes enceintes, des vieillards et des personnes malades, deux jours avant la trêve hivernale. Sur le bord de la route, ces personnes sont coupées de leur point d'eau, d’électricité et des services de soin et de scolarité. A Indre, une milice s'est mobilisée pour empêcher leur installation. A Nantes, 1 700 personnes vivent dans une quarantaine de bidonvilles. A Marseille, 200 personnes et dans l'Essonne 40 familles viennent également d'être expulsées. Ces quatre derniers mois en France, il y a eu 36 démantèlements de bidonvilles et 5 500 personnes expulsées. En France, on recense aujourd'hui 571 bidonvilles.

A Nantes, plusieurs manifestations ont eu lieu contre la politique de Macron et la guerre que son gouvernement mène contre la société civile (retraite, ISF, APL, contrat aidé, loi antiterroriste, retraite, loi travail, chômage, fonctionnaires, CDI, etc.). Les fins de manifs tendent à se transformer en « happenings » (tags, construction d'un mur, d'une maison) d'après la presse locale. Cette tactique a sans doute l'avantage d'être plus fédératrice. Le climat de léthargie qui règne actuellement laisse penser que la société civile reste KO et comme tétanisée face aux attaques sociales à répétition du gouvernement. Les affrontements avec la police risquaient de dissuader le peu de personnes prêtes à manifester.

La Direction de l'Ordre Public et de la Circulation a communiqué sur le projet Synapse concernant les manifs : abandon des nasses de masse et de l'infiltration du cortège de tête, enregistrements vidéos, arrestations ciblées et marqueurs chimiques (vaporisés, ils restent plusieurs semaines sur la peau) et contre-communication policière auprès des médias. La mairie de Nantes compte également investir dans plus d'une centaine de caméras et dans le réaménagement de la place Commerce pour faire disparaître les recoins. Concernant les luttes sociales, le site du Front Social recense 4 013 poursuites de militants. L'IGPN note un accroissement conséquent de l'usage des armes à feu par la police avec 18 accidents.

Le conseil général des Pays de la Loire a décrété la gratuité des transports pour la police. Les contrôleurs SNCF pourront opérer en civil pour être moins perceptibles. A Nantes, les agents de la TAN font un jour de grève pour réclamer plus de sécurité et d'accompagnement policier pour les contrôles. Ils sanctionnent ainsi les plus pauvres qui utilisent les transports en commun pour exiger plus de répression contre eux (au lieu, par exemple, de bloquer toute la circulation pour réclamer des transports gratuits et de meilleures conditions de travail).

Le gouvernement a l'intention de recruter plus de policiers, notamment de proximité, entre autre pour faire du renseignement dans la rue. Le projet Sentinelle est maintenu et reconfiguré pour être plus mobile. Il pourrait être renforcé par des sociétés privées armées pour faire face au retour des « jihadistes » de Syrie et d'Irak. A la centrale de Cattenon, en Moselle, Greenpeace tire un feu d'artifice près des piscines de refroidissement des combustibles nucléaires pour dénoncer la vulnérabilité des installations françaises.

A Rennes, une manifestation a eu lieu à l'aéroport de Saint-Jacques contre le centre de rétention construit il y a dix ans. Il y a en France vingt quatre centres de rétention où sont enfermés quarante neuf mille personnes par an. Le gouvernement vient de multiplier par deux (90 jours) la durée d'internement légale. Amnesty dénonce le renvoi forcé de 9 500 personnes en Afghanistan où leur vie est en danger. Quant à Macron, il se montre favorable à la double peine (expulsion de sans papiers qui commettraient un délit) et promet de durcir les règles d'immigration. A Nice, des militants sont condamnés à la prison avec sursit pour délit de solidarité. Le site Bruxelles2 s'interroge sur la diminution brutale de l'arrivée des migrants en méditerranée. En plus du mauvais temps, il soupçonne une coopération italo-lybienne, ce qui est inquiétant étant donné les conditions insupportables de détention en Lybie (viols, meurtres, épidémies, etc). L'IGPN a enquêté sur les violences policières à Calais (lacrymos, destruction d'affaires, interdiction de filmer).

Depuis 2014, la France participe à la guerre d'Irak à travers l'opération Chammal, avec 1 375 frappes. Elle est également présente au Mali avec l'opération Barkhane. Matthieu Rigouste rappelle que cette opération n'a été validée ni par l'ONU ni par le parlement (site XXI). La France bombarde et réprime avec brutalité les civils. Plusieurs manifs ont eu lieu à Kidal pour réclamer le départ des Français. Denia Chebli (RFI et Libération) explique dans la presse comment l'intervention de la France attise les tensions sur place. Mais la France a de nombreux intérêts stratégiques : des ressources minières à exploiter, des milliers d'entreprises sur place, un marché de la défense et de la sécurité (matériel et formation) à promouvoir, et la participation au contrôle migratoire. Ces opérations, financées par l'argent public, bénéficie avant tout aux entreprises privées. Enfin, Amnesty dénonce le développement par la France de robots létaux autonomes avec les projets Scorpion et Scaf.

La France est donc officiellement en guerre contre le terrorisme. Elle règne en réalité grâce au climat de terreur qu'elle entretient avec l'aide des médias. Cela lui permet de minimiser la guerre économique généralisée qu'elle mène pour le contrôle des ressources et des populations. Macron reconduit la politique néoconservatrice et néolibérale de son prédécesseur. L'enrichissement des riches est facilité par la militarisation de l'ensemble du monde, orchestrée par une poignée d'oligarches, sous prétexte d'organiser la défense contre diverses crises (« économique », « migratoire », « environnementale »).

Contact : groupedejacque@riseup.net